Etre une femme !
Etre une femme en Inde... A méditer !
En Inde, les rapports entre hommes et femmes sont très éloignés de l'image sensuelle et idyllique du couple mythique (Rama et Sita) qui s'affiche sur les temples. Et, ni le développement économique, ni la modernité, n'ont su faire évoluer la condition de la femme. Il semblerait au contraire que les violences faites aux femmes se multiplient...dans l'indifférence générale.
Je me souviens avoir été au cinéma à New Delhi, et avoir vu sur grand écran une campagne de sensibilisation pour les femmes victimes de viol, or dans la salle j'étais la seule femme, tous les spectateurs étaient des hommes... Comment penser que le message va passer, que les femmes vont pouvoir s'informer et agir quand rien n'est réellement fait pour les aider ?
La société actuelle semble cautionner toutes ces violences en choisissant de rester fidèle à une culture archaïque, incompatible avec toute évolution de la cause féminine.
Pour mieux comprendre, voici quelques extraits du livre de Jean Varenne "Le tantrisme" qui explique quelle est la place de la femme dans la société brahmanique:
" Vers l'an mille avant notre ère, l'Inde tout entière était devenue terre brahmanique et devait le rester jusqu'à notre temps puisque ni le bouddhisme, ni l'islam, ni le christianisme ne réussirent dans leurs tentatives d'obtenir la conversion des populations du subcontinent indien. La société védique était un patriarcat parfait fonctionnant de façon semblable à celui qui prévalait dans la Rome ancienne... "
" Les filles n'avaient d'autre droit que de s'occuper des bébés de la communauté jusqu'à l'âge de leur mariage... le célibat étant interdit aux femmes et aucun mariage ne pouvant avoir lieu sans que la fiancée fût dotée par son père, la venue des filles au foyer signifiait de grandes dépenses..."
" La question décisive est de savoir si l'on a ou si l'on a pas de fils. Un homme qui n'engendre que des filles se sentirait maudit des dieux, car à sa mort sa lignée s'éteindrait totalement, non seulement dans son futur et son présent, mais aussi dans son passé puisque les mânes non nourris perdent le bénéfice de la vie dans l'au-delà. L'une des causes de la Polygamie dans l'Inde brahmanique fut certainement le souci d'avoir au moins un fils vivant au jour des funérailles du père, et le taux de mortalité infantile était tel qu'une précaution élémentaire commandait de multiplier au maximum le nombre des enfants et donc des épouses susceptibles d'en donner..."
"Seule l'épouse légitime (première ou seconde) qui avait mis au monde des mâles vivants méritait le titre de mère. Lorsqu'on parle de la déesse mère, il s'agit exclusivement de la matrone entourée de ses fils. Et, quand on prie les dieux pour obtenir la prospérité, on songe à une famille richement pourvue d'enfants mâles, car ceux-ci en se mariant, grossiront le patrimoine grâce aux dots de leurs fiancées...".
"L'idéologie patriarcale du brahmanisme en arrive à placer la femme au centre de son univers: celui-ci en effet, n'est "en ordre" (dharma) que si l'épouse est féconde et donne à son mari les fils qui perpétueront le clan."
En Inde du Sud , j'ai pu discuter avec une jeune femme qui m'a expliqué d'une manière très fataliste qu'elle ne pourrait jamais quitter ses parents car ces derniers n'avaient pas les moyens d'offrir une dot à son fiancé. Elle ne pourra pas non plus fréquenter un homme en dehors du mariage et remettra son salaire à son père dont elle restera dépendante toute sa vie.
L'Inde compte aujourd'hui 1,3 milliard d'habitants et connait un déséquilibre considérable du ratio hommes-femmes. Un rapport présenté devant le parlement pour l'année 2017/2018 révèle un déficit de 63 millions de femmes dans la population. En 2015 il y a eu 15,6 millions d'avortements, si bien que les médecins ne dévoilent plus le sexe du futur bébé lors des examens si l'échographie montre que le futur bébé est une fille. Pour 1000 garçons qui naissent, il n'y a que 782 petites filles, et nombre de ces petites survivantes sont victimes de maltraitance car avoir une fille est toujours vécu en 2018, en Inde, comme une véritable malédiction pour les familles.
A ce sujet, rendez-vous sur le blog de Matthieu Ricard qui présente une association humanitaire Karuna- Shechen qui agit en Inde , au Népal et au Tibet.
Le 08 mars 2018 est consacré à la journée internationale des droits de la femme, mais une journée ne saurait suffire tant la tâche est ardue, tant les mentalités sont ancrées dans la mémoire collective de l'humanité. C'est un peu comme danser la Samba : un pas en avant et deux pas en arrière...pas facile d'avancer dans ces conditions. Cette année la parole s'est libérée grâce aux actrices qui ont voulu témoigner et dire tout haut qu'il faut en finir avec les pratiques abusives et sexistes... Dénoncer les violences faites aux femmes est un combat de tous les jours, dans l'espoir que chacune d'entre nous partout dans le monde, finisse un jour par être naturellement considérée comme l'égale de l'homme.
Je vous recommande vivement le livre d'Eric : "Shubhada celle qui donne la chance" paru aux éditions Baudelaire